Être et vouloir être autre chose
Hier, comme presque chaque jour depuis que j’ai appris son existence il y a trois mois, je voulais visiter la propriété de Léon Tolstoï à Moscou. J’ai découvert cet écrivain géant ici, comme un grand nombre d’auteurs russes que je lis avec gourmandise souvent, accablement parfois, car l’histoire russe comme la vie en Russie, n’a jamais été légère.
J’aime visiter ces « appartements-musées », nombreux en Russie. Des lieux où ont vécu des peintres, des écrivains, des musiciens, des scientifiques également et qui ont été conservés intacts lorsqu’il s’agissait de figures incontournables, Pouchkine, Dostoïevski, etc. ou reconstitués après la fin de l’époque soviétique pour les réhabilités, Akhmatova, Boulgakov et tellement d’autres.
Car ici on ne dit pas chute du communisme, ça fait sourire et vous marque immédiatement comme Occidentale non éduquée, puisque le communisme n’a jamais existé en tant que tel. C’était du socialisme si l’étiquette est indispensable. Donc, fin de l’époque soviétique.
J’ai pu ainsi voir où et un peu comment avait vécu Gorki, Pouchkine, Marina Tsvetaieva. C’est encore plus fascinant lorqu’ils parlent de ces lieux dans leurs écrits. J’habite un quartier où se sont bousculés les écrivains des XIXe et XXe siècles. Dans mon petit immeuble a même séjourné quelques temps un autre persécuté, le poète Ossip Mandelstam.
Entourée ainsi de tant de talents, je pourrais être animée d’une énergie redoutable pour me rendre jusqu’à cette propriété de Tolstoï, qui, chose rare à Moscou, n’est pas compliquée à atteindre. 1 kilomètre à pied, 8 arrêts de bus, et 500 mètres à pied.
Mais bon, la tête veut une chose, le corps dit une autre. Hier : pas d’énergie, pas de jus, immense fatigue.
Alors on prend ses désirs, ses envies et on convertit. On essaie de se rappeler l’important, de revenir à l’essentiel et de sourire à ce qui est.
Oui, les autres font des milliards de choses, et toi, pauvre handicapée, tu restes allongée sur ton canapé. Serait-ce le cynisme-poison qui remonte à la surface ou moi, qui oublie ma racine, mes profondeurs ?
Heureusement, ça ne dure pas. Je sais ma chance, ma joie à l’intérieur. Râler se serait faire semblant de ne pas savoir. Idiot, non ?
Et je peux même enlever le conditionnel : râler c’est faire semblant de ne pas savoir.